ACTUALITÉ
JURIDIQUE
REFORME DU DROIT DE LA COPROPRIÉTÉ
- CE QUI VA CHANGER AU 1er JUIN 2020 –
Les principales dispositions de l’ordonnance n°2019-1101 du 30 octobre 2019, visant à réformer le droit de la Copropriété, prise en application de la loi ELAN du 23 novembre 2018, entreront en vigueur au 1er juin 2020, sauf rares exceptions.
Une deuxième ordonnance est attendue d’ici novembre 2020 afin d’instituer un nouveau code de la Copropriété.
Voici les principales modifications en vigueur à compter du 1er juin 2020 :
1/ LE CHAMPS D’APPLICATION DE LA LOI DU 10 JUILLET 1965 SERA RESERVE AUX SEULS IMMEUBLES BATIS OU GROUPE D’IMMEUBLES BATIS A USAGE TOTAL OU PARTIEL D’HABITATION.
Ainsi, les immeubles non affectés à l’habitation pourront opter pour une organisation dotée de la personnalité morale par une convention expresse adoptée à l’unanimité des voix des copropriétaires, pour assurer la gestion des éléments et services communs, telle qu’une association.
2/ LES PARTIES COMMUNES SPECIALES POURRONT ETRE AFFECTEES SOIT A L’USAGE SOIT A L’UTILITE DE PLUSIEURS COPROPRIETAIRES. LES CRITERES NE SERONT PLUS CUMULATIFS.
3/ LES MODIFICATIONS CONCERNANT LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES
Le Syndicat des copropriétaires devra œuvrer en vue de l’amélioration des parties communes au-delà de leur administration.
Le Syndicat des copropriétaires engagera sa responsabilité en cas de dommages causés à un copropriétaire ou à un tiers ayant sa source dans une partie commune, sans qu’il soit nécessaire d’établir un vice de construction ou un défaut d’entretien
Le recours au syndicat secondaire sera facilité afin de permettre sa constitution, non seulement en présence de plusieurs bâtiments, mais également en présence d’entités homogènes susceptibles de gestion autonome.
Pour les cessions de parties communes conclus postérieurement au 1er juin 2020, la part du prix revenant à chaque propriétaire lui est remise par le syndic après déduction des sommes exigibles par le syndicat des copropriétaires.
A partir du 31 décembre 2020, la dispense d’ouverture d’un compte bancaire séparé disparaîtra pour les copropriétés comportant au maximum 15 lots à usage de logements, bureaux ou commerce. Toutes les copropriétés quelle que soit leur taille seront donc soumises à cette obligation à compter de cette date.
4/ LES MODIFICATIONS CONCERNANT LE CONSEIL SYNDICAL
Les membres du conseil syndical pourront être désignés parmi les ascendants ou descendants des copropriétaires. A noter que les parents du syndic en ligne collatérale jusqu'au deuxième degré ne pourront pas avoir cette qualité.
L’Assemblée générale des copropriétaires pourra déléguer au conseil syndical, lorsqu’il est composé d’au moins trois membres, le pouvoir de prendre seul tout ou partie des décisions relevant en principe d’un vote à la majorité simple de l’assemblée générale (article 24 de la loi du 10 juillet 1965).
Pour cela, une délégation expresse de l’assemblée générale votée à la majorité des voix de tous les copropriétaires sera nécessaire. La durée de la délégation de pouvoirs sera de deux ans maximum, renouvelable par une décision expresse de l’assemblée générale. L’assemblée générale déterminera également un budget maximal des sommes pouvant être engagées par le conseil syndical. Le syndicat des copropriétaires devra souscrire, pour chacun des membres du conseil syndical, une assurance de responsabilité civile.
A titre d’exemple, le conseil syndical pourra décider des travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble tels que la réfection d’une toiture, la rénovation des escaliers.
En revanche, certains sujets resteront de la compétence et du pouvoir exclusif de décision de l’assemblée générale, à savoir la question de l’approbation des comptes, la détermination du budget prévisionnel, l’adaptation du règlement de copropriété aux évolutions législatives et jurisprudentielles.
Les décisions du conseil syndical pour l'exercice de la délégation de pouvoirs seront prises à la majorité de ses membres. En cas de partage des voix, le Président du conseil syndical a voix prépondérante.
Le conseil syndical rendra compte de l'exercice de sa délégation de pouvoirs devant l'assemblée générale votant l'approbation des comptes. Il établira un rapport en vue de l'information des copropriétaires.
Remarque : En pratique, il sera délicat de déterminer les dates auxquelles les fonds seront appelés afin d’éviter de trop nombreuses régularisations privant temporairement les copropriétaires de leurs fonds.
Le conseil syndical devra mettre en concurrence plusieurs projets de contrats de syndic, établis conformément à un contrat type et accompagnés d’une fiche d’information sur les prix et les prestations proposés. La période triennale pour la mise en concurrence disparaitra. Ainsi, si le contrat est d’une durée d’une année, la mise en concurrence devra avoir lieu tous les ans, sauf si une dispense a été votée par l’assemblée générale l’année précédente. En revanche, si le contrat est d’une durée de 3 ans, l’ancienne règle demeure.
Le président du conseil syndical pourra, en cas de carence ou d’inaction du syndic et sur délégation expresse de l’assemblée générale, exercer une action contre le Syndic en réparation du préjudice subi par le Syndicat. En l’absence de Conseil syndical, cette action pourra être engagée par un ou plusieurs copropriétaires représentant au moins un quart des voix de tous les copropriétaires.
En cas de condamnation, les dommages et intérêts seront versés au Syndicat des copropriétaires.
Si l’action est déclarée bien fondée à l’issue de l’instance, les frais de procédure non pris en charge par le syndic sont répartis entre tous les copropriétaires proportionnellement aux quotes-parts de parties communes afférentes à leur lot. Si l’action est infondée, le texte n’indique pas qui aura la charge des frais de procédure.
Remarque : Il sera nécessaire de solliciter la désignation d’un administrateur ad hoc pour représenter le Syndicat en justice car il ne pourra pas être représenté par son syndic, partie défenderesse. La mise en œuvre de ce texte paraît plus complexe que la révocation et la désignation d’un nouveau syndic.
Le président du conseil syndical pourra également saisir le Président du Tribunal Judiciaire pour obtenir la condamnation du syndic au paiement de pénalités de retard en cas de non transmission de pièces ou de la fiche synthétique.
Il est précisé qu’en l’absence de transmission des pièces dans un délai d’un mois (contre 15 jours auparavant) à compter de la demande, une pénalité sera mise à la charge du syndic et pourra être imputée sur sa rémunération forfaitaire annuelle (et non plus sur les honoraires de base mentionnés dans son contrat). Les pénalités seront déduites de la rémunération du syndic lors de l’approbation des comptes définitifs.
5/ LES MODIFICATIONS CONCERNANT LE SYNDIC
Les nouvelles dispositions ci-dessous s’appliqueront aux contrats de syndics conclus ou renouvelés postérieurement au 1er juin 2020.
Le syndic pourra conclure avec le syndicat des copropriétaires une convention portant sur des prestations de services autres que celles relevant de sa mission de syndic, après autorisation expresse de l’assemblée générale donnée à la majorité simple. A défaut, la convention sera inopposable au syndicat.
Ces prestations ne pourront pas figurer dans le contrat de syndic. A titre d’exemple, il pourra s’agir de prestations de conciergerie ou de garde d’enfants.
En outre, l'ordonnance indique expressément que le syndic sera chargé d'assurer la gestion des archives relatives au syndicat des copropriétaires.
Le syndic pourra percevoir une rémunération complémentaire à l’occasion de prestations qui ne relèvent pas de la gestion courante.
Le tarif pour l'établissement de l'état daté à l'occasion d'une mutation à titre onéreux ne pourra pas excéder 380 € TTC (décret du 21 février 2020). L'ordonnance précise qu'il s'agit de la mutation d'un lot ou de plusieurs lots objets de la même mutation. Il ne sera donc plus possible de multiplier les facturations.
La révocation du mandat du syndic prévue à titre de sanction en cas de défaut de réalisation de la fiche synthétique sera supprimée.
L’ordonnance précise les conditions dans lesquelles chacune des parties (le Syndicat des copropriétaires et le syndic) pourra mettre fin au contrat de syndic, sans indemnité. Ainsi, le contrat de syndic pourra être résilié au cours des trois mois précédant la fin de son contrat sans indemnisation.
Le contrat de syndic pourra également être résilié par une partie en cas d’inexécution suffisamment grave de l’autre partie, notion qui relève de l’appréciation souveraine du juge du fond. Si le contrat de syndic est résilié à l’initiative du syndicat des copropriétaires, le conseil syndical notifiera au syndic, une demande d’inscription à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale, portant sur la résiliation et la mise en concurrence, en invoquant le motif, à savoir le manquement fautif. Si le contrat est résilié par le syndic lui-même pour inexécution fautive imputable au syndicat, le syndic notifiera au conseil syndical, le(s) manquement(s) du syndicat des copropriétaires en indiquant sa volonté de terminer la relation contractuelle.
En cas de changement de syndic, le syndic sortant devra assurer sa mission jusqu’au lendemain de sa révocation a minima. Ce qui signifie que l’effet immédiat de la révocation du contrat de syndic en cours de mandat lorsqu’un nouveau syndic est nommé par l’assemblée générale est supprimée.
Les conséquences pratiques sont que le nouveau syndic ne pourra pas être le secrétaire lors de cette assemblée générale et il appartiendra au syndic sortant de notifier le procès-verbal de l’assemblée générales.
Concernant la remise des documents au nouveau syndic, les obligations du syndic sortant sont modifiées. Il sera désormais tenu de :
- remettre la situation de trésorerie, les références des comptes bancaire du Syndicat et les coordonnées de la banque dans un délai de 15 jours ( au lieu d’un mois) à compter de la cessation de ses fonctions;
- transmettre, dans un délai d’un mois, l'ensemble des documents et archives du Syndicat ainsi que, le cas échéant, l’ensemble des documents dématérialisés relatifs à la gestion de l’immeuble ou aux lots gérés (loi du 10.7.65 : art. 18, I, al. 11), dans un format téléchargeable et imprimable ;
- dans un délai de deux mois suivant l’expiration du délai mentionné ci-dessus, de fournir l'état des comptes des copropriétaires ainsi que celui des comptes du Syndicat.
A noter que ces dispositions entreront en vigueur le 31 décembre 2020 pour les syndicats de copropriétaires ayant été dispensés de l'obligation d'ouvrir un compte séparé au nom du syndicat par décision de l'assemblée générale.
A partir du 1er juin 2020, les manquements du syndic aux obligations lui incombant en matière de rémunération (distinction entre le forfait et les prestations particulières), de respect du contrat type et de transmission de la fiche d’information (lorsque son modèle sera fixé) seront sanctionnés d’une amende administrative dont le montant ne pourra excéder 3000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale.
6/ LES MODIFICATIONS RELATIVES A LA GOUVERNANCE DES COPROPRIETES
ASSEMBLEES GENERALES
Face aux situations de blocage et à l’absentéisme croissant lors des assemblées générales, la réforme facilite la prise de décisions au sein des copropriétés.
Tout copropriétaire pourra solliciter du syndic la convocation et la tenue, à ses frais, d’une assemblée générale pour faire inscrire à l’ordre du jour une ou plusieurs questions ne concernant que ses droits ou obligations.
La réforme assouplit les conditions de votes en généralisant le mécanisme de la passerelle et en favorisant les votes à la majorité simple.
La passerelle de l’article 25-1 sera généralisée en prévoyant que lorsque l’assemblée générale des copropriétaires n’a pas adopté la résolution à la majorité de l’article 25 (majorité absolu) mais que le projet a recueilli au moins le tiers de ces voix, la même assemblée se prononce à la majorité de l’article 24 (majorité simple) en procédant immédiatement à un second vote.
L’article 26-1 est rétabli et permettra, en l’absence de toute disposition contraire, lorsque l’assemblée générale n’a pas décidé à la majorité prévue à l’article 26 alinéa 1er (majorité des membres du Syndicat représentant au moins les deux tiers des voix), mais que le projet a au moins recueilli l’approbation de la moitié des membres du syndicat des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance, représentant au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires, à la même assemblée de se prononcer à la majorité de l’article 25 (majorité absolue) en procédant immédiatement à un second vote.
La suppression des vide-ordures pour des impératifs d'hygiène et l'autorisation permanente accordée à la police ou à la gendarmerie nationale de pénétrer dans les parties communes relèveront désormais de la majorité simple (majorité de l’article 24). A noter que la décision portant sur les modalités d'ouverture de portes d'accès aux immeubles relèvera désormais de la majorité absolue (majorité de l’article 25) en lieu et place de la double majorité (majorité de l’article 26).
Pour apprécier la règle de majorité prévue à l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965, il est précisé que les votes par correspondance devront être pris en compte, au même titre que les personnes présentes ou représentées.
Par ailleurs, les modalités du vote par correspondance sont précisées afin de faciliter son utilisation.
Les copropriétaires pourront voter par correspondance avant la tenue de l’assemblée générale, au moyen d’un formulaire établi conformément à un modèle qui sera fixé par arrêté. Il est précisé que si la résolution, objet du vote par correspondance, est modifiée en cours d’assemblée générale, le votant par correspondance ayant voté favorablement est assimilé à un copropriétaire défaillant pour cette résolution.
La notification des procès-verbaux d’AG par le syndic aux copropriétaires opposants ou défaillants ne comprendra pas les annexes au procès-verbal (ce qui inclut notamment la feuille de présence).
LES TRAVAUX
L’interdiction pour un copropriétaire de faire obstacle à la réalisation, au sein de ses parties privatives, de travaux régulièrement votés en assemblée générale sera étendue à la réalisation de tous travaux d’intérêt collectif. Cette obligation ne sera donc plus limitée à certaines catégories de travaux et s’imposera au copropriétaire, si les circonstances le justifient, même s’il existe une autre solution n’affectant pas ses parties privatives.
Les travaux supposant un accès aux parties privatives devront être notifiés aux copropriétaires concernés au moins huit jours avant le début de leur réalisation, sauf impératif de sécurité ou de conservation des biens.
Il est en outre précisé que le syndicat des copropriétaires exercera les pouvoirs de maître d’ouvrage pour la réalisation de ces travaux d’intérêt collectif tant sur les parties privatives que communes.
Enfin, le copropriétaire pourra, en cas de privation temporaire totale de jouissance de son lot, solliciter auprès de l’assemblée générale une indemnité provisionnelle à valoir sur le montant de l’indemnité définitive.
Un copropriétaire pourra solliciter du syndic la convocation et la tenue, à ses frais, d’une assemblée générale portant sur une ou plusieurs questions ne concernant que ses droits. Le délai pour l’organisation de cette assemblée générale devra être précisé dans le décret.
En l’état actuel, un copropriétaire ne peut pas imposer au syndicat des copropriétaires la réalisation de travaux pour l’accessibilité des logements aux personnes handicapées ou à mobilité réduite.
Un copropriétaire pourra faire réaliser, à ses frais, des travaux pour l’accessibilité des logements aux personnes handicapées ou à mobilité réduite qui affectent les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble. Le copropriétaire notifiera au syndic une demande d’inscription d’un point d’information à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale, accompagné d’un descriptif détaillé des travaux envisagés.
Le copropriétaire exercera les pouvoirs de maître d’ouvrage jusqu’à la réception des travaux.
L’assemblée générale ne pourra s’opposer à la réalisation de ces travaux que par une décision motivée par l’atteinte portée par les travaux à la structure de l’immeuble ou à ses éléments d’équipements essentiels, ou par leur non-conformité à la destination de l’immeuble.
Lorsque l'assemblée générale des copropriétaires sera appelée à se prononcer sur des travaux concernant les parties communes, des travaux d'intérêt collectif sur parties privatives ou des actes d'acquisition conformes à l'objet du syndicat, la question de la souscription d'un emprunt collectif destiné à financer ces travaux sera inscrite à l'ordre du jour de la même assemblée générale.
LES PETITES COPROPRIETES
L’ordonnance vient préciser la définition de petites copropriétés. Il s’agit des copropriétés de 5 lots ou moins à usage de logements, de bureaux ou de commerces ou des copropriétés dont le budget prévisionnel moyen du syndicat des copropriétaires sur une période de 3 exercices consécutifs est inférieur à 15 000 €.
Première dérogation : la constitution d’un conseil syndical est facultative.
Deuxième dérogation : la dispense d’une comptabilité en partie double. Les engagements du Syndicat pourront être constatés en fin d’exercice.
Troisième dérogation : la prise de décisions par consultation écrite.
Les décisions pourront être prises à l'unanimité des voix des copropriétaires à l'occasion d'une consultation écrite, sans qu'il y ait lieu de convoquer une assemblée générale. Les copropriétaires pourront également être consultés au cours d'une réunion. Cette nouvelle procédure ne pourra pas concerner les décisions relatives au vote du budget prévisionnel et à l'approbation des comptes.
La consultation sera organisée par le syndic, à son initiative ou à la demande d'un copropriétaire. Lorsqu'un copropriétaire aura été consulté par écrit, la décision sera formalisée au terme du délai fixé par le syndic pour répondre à la consultation.
Quatrième dérogation pour les Syndicats ayant la forme coopérative et n’ayant pas constitué de conseil syndical : la désignation d’un copropriétaire pour suppléer le syndic en cas d'empêchement de celui-ci.
Enfin, l’ordonnance vient préciser le régime applicable aux copropriétés composées de deux copropriétaires (cf. nouveaux articles 41-13 à 41-23 de loi du 10 juillet 1965).